FERMER X

Il y a 2 ans
5j
Bacol en abstinence depuis 5 jours :
Abstinence n°5 | Record: 246 jour(s) | Mode EXTREM | Objectif: 15 jour(s)
[J 5] A chaque nouveau livre de Maurice Barrès que je lis, je reste ébahi par le style, le fond, la réflexion que cela amène. Mais ce livre là, bien que je ne l'ai pas fini, est certainement un des meilleurs que j'ai pu lire.

Je met 2 passages si ça intéresse des gens SPOILER
Ubi, mors stimulus tuus?

Je travaille pour mon fils, mais aussi pour moi-même...
Quand nos fils sont petits, nous pouvons tout pour eux, mais nous savons qu'un jour ils se détacheront et que l'on sera deux. Il y a pourtant un moyen de les lier à nous indissolublement, c'est qu'ils se connaissent liés à la terre de nos morts, à tout ce qui nous est fondamental, à tout ce qui porte les pères et les fils. Il convient, il est doux qu'un même chant intérieur règle le pas de ceux qui s'engagent dans le sentier de nos tombeaux et de ceux qui déjà l'ont parcouru plus qu'à demi. Je m'assure l'adhésion immortelle de mon fils si je substitue à son penchant instinctif un dessein déterminé. Quelque jour, cherchant à Paris les maisons que j'habitai et levant son cher visage déjà vieilli vers les fenêtres d'où je me penchais sur la rue, il dira : « Ses goûts et ses dégoûts dans chacun de ses âges demeurent mes goûts et mes dégoûts successifs et, comme il a mis ses pas dans les pas de nos aïeux, je vis pour repasser sur leurs traces communes en vérifiant leurs impressions. »

Quelques personnes au regard un peu court pourraient être tentées de joindre, en épigraphe, aux idées que nous exposons le cri enthousiaste des églises au matin de Pâques : « Ubi est mors, Victoria tua ? Ubi est mors, stimulus tuus ? Mort, où donc est ta victoire? Mort, où donc ton aiguillon ? » A Dieu ne plaise que nous diminuions nos chances de persuader, mais la discipline que nous vantons ne brisera pas l'aiguillon de la mort. Bien que je sois convaincu que des fils dignement nés et dressés continuent et répètent leurs pères, bien que je sache qu'à toutes leurs minutes ils se souviennent des actions qu'ils ont subies à travers les siècles, au point que notre état me semble la récapitulation de tous les états français antérieurs, je vois trop qu'il ne peut s'agir que d'une immortalité conditionnelle. Nous ne sommes pas impérissables, mais, au contraire, très fragiles, très vulnérables, et tous les dressages que nous mettons au service de la tradition ne nous permettent qu'un prolongement des plus précaires...

Maurice Barrès, Les amitiés françaises, 1903
SPOILER
L’électuaire.

Nul désastre n'enlèverait à nos fils la jouissance de connaître leur soumission aux lois implacables, aux nécessités. Nos fils seront bien payés s'ils éprouvent parfois l'enivrement à noyer le coeur que c'est, par une somptueuse journée commençante ou par une pluie continue, de porter une fleur sur une tombe et de mettre dans cette démarche, à pleines brassées, tous nos jardins, toutes nos cultures de songes.
A la fin de la grande scène d'évocation, quand le Manfred de Byron se jette aux pieds de celle qui mourut de son amour, et quand cette ombre énigmatique se refuse à lui pardonner, nous pensons d'abord qu'il s'éloigne dans les convulsions du désespoir, mais les Esprits prononcent une parole imprévue qui toujours me fit sursauter comme un trait inoubliable de musique : a Voyez comme il se domine lui-même et soumet ses tourments à sa volonté! »
De quelque manière que l'injuste vie nous tourmente, pour dominer nos réactions, le mieux est que nous contemplions dans cet immense brouillard de la Nécessité qui nous opprime, dans cette nébuleuse qui règne sous les cieux, quelques points brillants et saillants.
Peut-être ressemblons-nous à ces empiriques anciens qui, incapables de séparer les principes actifs et les matières indifférentes, associaient un grand nombre de substances médicamenteuses avec l'idée de parer ainsi à tous les maux mal connus. Peut-être notre thérapeutique morale n’a-t-elle pas dépassé la science d'Isabeau de Bavière, qui se soulageait avec des mélanges de perles d'Orient, de rubis d'Alexandrie, de jacinthes et de ducats d'or.Je possède un électuaire à la fois riche et grossier. J'ai confiance pour atténuer certaines peines morales dans un opiat fait de soumission à la terre natale, de fidélité aux morts et de connaissance que tous nos actes entreront dans l'héritage social. Nous ne sommes pas en état de mesurer l'action de chacune de ces forces. Nous employons tout d'un bloc les perles, les rubis, les ducats d'or que nous avons arrachés à notre sombre divinité. Les anciens donnaient à leurs électuaires les titres emphatiques d'athanasia, qui veut dire « immortelle », d'ambrosia ou « divine », d'isotheos ou « égal à Dieu », d'isochrysion ou « semblaple à l'or » ; pour désigner la composition que je propose, je demande un mot signifiant « qui guérit par l'intelligence de notre prédestination ».

Maurice Barrès, Les amitiés françaises, 1903
Lecture en cours:
Les Amitiés françaises.... - Maurice Barrès (écrivain).)
Page: 97 / 267
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